En 2021, j’ai assisté à l’Echappée Belle en tant qu’invité. J’ai alors eu l’occasion de voir les courses de l’extérieur en suivant les coureurs sur plusieurs bases de vie, tout en m’imprégnant de l’énergie des bénévoles. Suite à ces belles rencontres, je n’ai eu qu’une envie, revenir en Belledonne pour participer au parcours des crêtes et enfin vivre l’expérience de l’intérieur.
Le parcours des crêtes
Je t’ai déjà présenté les courses de l’Echappée Belle (si ce n’est pas le cas, c’est ici). En 2022 l’organisation a décidé d’ajouter une nouvelle course au programme, le Duo des Cîmes. Une course destinée à des duos ayant une solide expérience en montagne.
Début janvier, les inscriptions sont ouvertes, il faut prendre une décision. Je n’hésite pas longtemps et fait le choix de partir sur le parcours des crêtes. La distance, de 64 kilomètres, reste accessible, même si le dénivelé et le terrain ne sont pas à prendre à la légère, surtout si on ne vit pas en montagne. On part sur 5000m de D+ et de D-!
Commence alors ma préparation afin de profiter au maximum de l’aventure. J’ai surtout programmé des séances de D+ sur une côte de 129 m D+, j’y ai passé pas mal de temps ^^
La course approche
Nous arrivons à Allevard, lieu de départ du parcours des crêtes quelques jours en avance. On prend un petit logement en pleine montagne, au Collet, quelques jours de calme et de repos qui font du bien.
C’est à ce moment là que je prends conscience de la belle aventure qui m’attend, mais aussi de sa difficulté.
L’échappée Belle est considérée comme l’une des courses les plus dures en Europe. C’est pourquoi la punchline de la course est : “Plus Belle, plus dure”.
Le vendredi matin, l’Intégrale démarre sous une pluie battante, de nombreux abandons en découlent durant la nuit suivante. Le Duo des Cîmes, après plusieurs reports est lancé et le trajet modifié, il neige sur certains sommets.
La veille au soir, je vérifie une dernière fois mon sac. Je pars avec un sac Salomon 12L car je serai chargé en eau, une poche à eau de 1,5l dans le dos et deux flasks à l’avant. J’ai également tout le matériel obligatoire et je pars aussi avec full nourriture.
Au niveau des chaussures je prends finalement mes Salomon Ultra Glide, je connais les chaussures et sais qu’elles sont confortables. Je suis moins fan de l’accroche, ce qui d’ailleurs me jouera quelques tours à certains moments.
Le Jour-j
Nous sommes samedi matin, j’ai passé une nuit relativement correcte, même si, tu le sais, la nuit d’avant course n’est pas la meilleure. Nous descendons du Collet en direction d’Allevard d’où les départs sont donnés entre 8h et 9h. Je suis dans la 3° vague, plutôt une bonne chose car le conseil d’anciens participants est simple : “Pas trop vite dans la première côte”. Je partirai sur un rythme ‘down tempo’, mon objectif n’est pas de faire un chrono, mais de prendre du plaisir et faire sonner la cloche de l’arrivée.
Un petit tour de la place et le décompte est déjà lancé 3, 2, 1,… c’est parti. Nous faisons un rapide tour dans la ville, 1 kilomètre max et nous voilà déjà au pied de cette fameuse première côte, 1200m de D+ sur 8 kms. J’engage le pas avec un petit groupe après quelques kilomètres, nous rattrapons déjà certains coureurs, sans doute partis trop vite, ça me rassure sur mon allure à garder modérée.
Après 1h30 j’arrive déjà au bout de cette première côte et le premier ravito. Je fais une petite pause rapide, je reprends de l’eau et je reprends le chemin, il me reste encore 400m de D+ sur 3 kms avant de me retrouver au sommet du Super Collet à 2079 m. Dès ce moment, nous sommes rejoints par les coureurs du 149 (l’intégrale) et du 84 (la Traversée Nord). Nous sommes un peu plus nombreux sur les chemins, je suis cependant agréablement surpris, on entend déjà le silence de la montagne. Il y a peu de discussions, chacun grimpe dans un silence presque religieux.
J’arrive sur ce premier sommet plus rapidement que prévu, les sensations sont bonnes. Ma famille, montée en télésiège, m’y attend. Un dernier encouragement avant de m’enfoncer dans la montagne pour quelques heures. La route est encore longue, je décide de rester sur un rythme calme.
J’entame la descente depuis le col de Claran. Une descente peu technique dans les premiers kilomètres pour ensuite s’enfoncer dans une partie plus boisée. Je suis stoppé net dans mon élan, je ressens deux grosses piqûres au tibia gauche et au tibia droit. Deux guêpes sont plantées dans mes jambes, j’ai dû passer à côté de la mauvaise plante au mauvais moment. Je m’arrête, mais je ne peux rien faire. La douleur est là, mais je ne sais rien y faire, je croise les doigts pour ne pas faire de réaction allergique et je repars.
J’arrive à la seconde montée: plus raide, en single, et déjà plus technique. Je prends le train d’un petit groupe. Nous traversons plusieurs ruisseaux. Plus nous montons, plus la montagne se dévoile à nous.
Nous arrivons au refuge des Férices, la montagne calcaire nous offre un magnifique point de vue. Un rapide ravito et on repart sur un single plus technique. On alterne entre course et marche selon la technicité du sentier et selon le pas de celui devant. A chaque détour, la montagne est différente, nous continuons à grimper et j’arrive au col de la Frèche. J’ai une avance confortable sur la barrière horaire.
Alors que je redescends, le parcours des crêtes change de direction et les sentiers sont de plus en plus techniques. Le temps commence aussi à s’étirer, les secondes semblent être des minutes et les minutes des heures…
La pointe Rognier
Le tracé prend la direction de la Pointe Rognier (2341m), le passage le plus haut de la course. Plusieurs cols s’enchainent, empruntant des sentiers toujours aussi techniques. Lors du passage au Col du Pré Remy, la croix de la pointe Rognier se dévoile parmi les nuages. La vue est magique, à chaque passage de col ou tournant je m’émerveille. Les passages techniques s’enchaînent en descente. J’arrive sur un passage de cailloux instables, c’est à ce moment que mon pied glisse sur un caillou. Dans une tentative de récupérer de l’équilibre, mon genou se contre une pierre. Je n’ai rien, à ce moment-là, je repars rapidement.
Je continue la descente et un ravitaillement en eau est le bienvenu lorsque j’arrive au ruisseau du Goujon.
Je commence alors l’ascension vers la pointe Rognier. Je suis alors seul, un autre coureur est à quelques dizaines de mètres devant moi et je ne vois personne derrière moi. Je débute la montée vers le sommet, le chemin serpente dans les roches, il est raide. Plus je prends de la hauteur, plus la montagne et la météo changent. Il me reste quelques dizaines de mètres avant d’arriver au sommet, je m’équipe de ma veste et commence à escalader jusqu’à la pointe.
J’arrive au sommet et l’équipe de bénévoles ne manque pas d’encouragements, comme à chaque point de comptage, tous les 3 à 5 kms! Me voilà reboosté pour quelques kilomètres.
Passé la Pointe Rognier et la mi-course, une longue descente commence, un peu technique sur le début mais rapidement on se retrouve dans les bois, le soleil se couche déjà et inonde la vallée d’un orange profond.
A ce moment, la fatigue commence à se faire sentir, je commence à avancer par objectif. Le prochain? Le ravito de Fontaine Noire. Le genou commence à tirer, je ralentis ma descente pour assurer le coup.
J’arrive à Fontaine Noire quelques minutes plus tard. Je prends le temps pour un ravito plus copieux et je n’oublie pas les fromages et charcuteries locales, un vrai plaisir! Je m’équipe pour la nuit, le soleil est bientôt couché. Ma frontale allumée, je reprends ma course. La plus grosse difficulté est derrière moi, mais il reste encore du chemin. Je débute la montée vers le grand chat dans la pénombre, mon point de repère est alors les frontales des bénévoles au Col de la Perche. Je suis seul dans la nuit, je profite alors des bruits de la montagne et des petits sons au loin. Les passages sur les crêtes sont encore plus impressionnants dans la nuit.
J’arrive au sommet du Grand Chat en compagnie des coureurs des autres distances. Je sais que la descente qui arrive sera longue. Le genou est de plus en plus douloureux, je m’accroche à l’idée qu’au prochain ravito ma famille sera là. J’avance, je trottine lorsque c’est possible.
Dernière ligne droite
J’arrive au ravito de Bourget en Huile, le dernier ravito avant la fin. Je suis plutôt en bonne forme, même si j’ai perdu du temps par rapport à ce que j’avais prévu. Je m’arrête pour manger et je prends un peu le temps, trop de temps. Sans m’en rendre compte, je me suis posé 1h00. Je repars pour la dernière partie. Il me reste 16 kms à faire, le genou gonfle et devient douloureux lorsque je cours.
La dernière montée pointe le bout de son nez. Elle semble facile sur papier, mais j’avoue qu’avec la nuit, les kilomètres dans les pattes elle me parait difficile, vraiment difficile. Je vois des frontales au loin, je vois qu’elles continuent à monter, ce n’est donc pas encore fini. C’est long, je crois que je suis bien monté pendant près d’1h30 et à ce moment les minutes sont des heures.
J’arrive au sommet, au Fort de Montgilbert, c’est fait, je suis bientôt devant la cloche. Il me reste une dernière descente de 10 kilomètres pour arriver sous l’arche. La descente se passe relativement bien, elle n’est pas technique et j’arrive à trottiner. Je dépasse de nombreux coureurs de ma distance et continue ma descente. Je vois l’arche éclairée au loin, c’est mon objectif.
Après 19h d’effort, 65 kilomètres et 5000mD+ et 5000mD-, je peux enfin faire sonner cette cloche. J’ai finalement pris plus de temps que prévu, au moins 3 à 4h en plus, mais l’objectif était surtout d’y arriver car c’était pour moi une première course au-delà des 45 kilomètres et surtout première course en montagne avec autant de D+
Je suis fatigué, mais pas complètement HS. C’est bon signe, j’ai pu gérer la course sans trop me cramer.
Plus belle, plus dure et tellement addictive
L’échappée Belle porte vraiment bien son nom. Le Parcours des Crêtes n’y échappe pas, c’est une course qui est dure. Elle n’est pourtant pas impossible si l’on est préparé ou un habitué de la montagne.
Le Parcours des Crêtes est magnifique, à chaque changement de sentier, la montagne est différente, chaque passage de col offre un paysage nouveau. Le parcours passe par de nombreux passages aériens et la roche est présente tout au long du parcours. Les passages techniques sont nombreux et nous remettent parfois à notre place d’humain dans cette immensité.
Tu l’as compris, j’ai adoré cette course et ce parcours. L’envie aujourd’hui est de pouvoir peut-être y revenir d’ici 2-3 ans pour m’élancer sur l’Intégrale et ses 149 kilomètres.
Merci à mes assistantes qui m’ont soutenu durant toute la préparation, le pendant et l’après course.
Waouh , que dire de plus 😀😊 j’admire le challenge et bravo à tes assistantes de te soutenir et t’accompagner ♥️♥️
Marie Pierre